Hiver à haut risque. Coût de la vie, énergie, écologie : de la crise à la transition

57% des Français déclarent déjà éprouver des difficultés pour faire face à la hausse des prix. C’est ce que révèle la nouvelle enquête du laboratoire d’idées et d’actions Destin Commun : « Hiver à haut risque. Coût de la vie, énergie, écologie : de la crise à la transition ». Alors que 2 Français sur 3 ne comprennent pas les raisons de cette crise, la défiance envers le politique se creuse. Les Français sont en revanche favorables à l’accélération de la transition énergétique, et réceptifs au modèle de sobriété, à concilier avec leur exigence d’équité.

« Subir les effets d’une crise que l’on ne comprend pas est le terreau le plus fertile de la contestation. Notre enquête révèle une défiance et une incompréhension profondes, notamment parmi les groupes déjà fortement fragilisés par la hausse des prix. Face au risque contestataire, c’est la pédagogie et le souci d’équité qui feront la différence. » explique Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun.

Restrictions et privations : les Français en tension

Face à la hausse des prix, les contraintes que s'imposent déjà une partie des Français sont lourdes. En cette période estivale, 1 Français sur 5 a modifié ou annulé ses projets de vacances, et 1 Français sur 10 saute parfois des repas ou repousse des soins médicaux coûteux. Près de la moitié (48%) des Français ont déjà limité leurs sorties et leurs loisirs. La crise dessine une société à deux vitesses et alimente chez une partie des Français la peur du basculement dans la précarité.

Dans ce contexte, 40% des Français se disent favorables à une reprise du mouvement des Gilets jaunes dans les prochains mois, dont 20% « très favorables ».

Identitaires et Laissés pour compte : la menace d’une rupture

La méthodologie de Destin Commun, qui distingue 6 familles de valeurs dans la société française, permet d’identifier les groupes les plus touchés par la hausse des prix. 70% des Identitaires et des Laissés pour compte déclarent déjà être en difficulté face à la hausse des prix (vs. 57% en moyenne).

Confirmant la tendance de nos récentes enquêtes, ces deux familles se rejoignent dans une nouvelle équation de la contestation où l’incertitude, l’incompréhension et la complexité nourrissent une défiance parfois teintée de complotisme : les Identitaires sont 68% à considérer que l'augmentation du prix du pétrole et du gaz fait partie d'un plan du gouvernement visant à nous forcer à passer aux énergies renouvelables (vs. 46% en moyenne).

De l’incompréhension à la défiance, les dangers d’une crise incomprise

L’enquête de Destin Commun révèle que 65% des Français ont le sentiment de ne pas comprendre les raisons de la hausse des prix, dont 28% ne les comprennent pas du tout. Une incompréhension bien plus élevée qu’en Allemagne (36%) ou au Royaume-Uni (32%).

Lorsqu’il s’agit d’identifier des responsables de la crise, seulement 38% des Français désignent la Russie, et 33% pointent la politique du gouvernement français. L’incompréhension est bien plus élevée chez les personnes déclarant être déjà en grande difficulté : 77% disent ne pas comprendre les raisons de la crise. Ce décalage impose un profond renouvellement et un ciblage de la pédagogie.

Graphique Incomprehension Crise Hiver A Haut Risque

Les diverses interprétations des causes de la crise révèlent trois visions du monde :

  • Une crise systémique : Militants désabusés et Stabilisateurs incriminent notre dépendance aux énergies fossiles, mais aussi les entreprises énergétiques, les banques et la finance.
  • Une crise exogène : Libéraux optimistes et Attentistes dénoncent avant tout la Russie, et dans une moindre mesure l’impact du Covid-19.
  • Une crise politique : Identitaires et Laissés pour compte tiennent la politique du gouvernement pour responsable de la hausse des prix. 

Pessimisme et défiance gagnent du terrain

Une profonde inquiétude a aujourd’hui gagné le pays : 85% des Français sont inquiets de l’impact de la hausse des prix sur leur quotidien, et 6 Français sur 10 pensent devoir limiter leur chauffage l'hiver prochain. Le pessimisme marque aussi les projections à long terme : seuls 18% entrevoient la fin de la crise du pouvoir d’achat d’ici à fin 2023, et 40% ne sont pas certains qu’elle se finisse un jour. 

L’enquête révèle aussi qu’un tiers des Français ne fait confiance à aucun parti pour lutter contre la hausse des prix, chiffre qui culmine à 48% chez les Laissés pour compte. Et parmi les partis auxquels les Français font confiance pour répondre à cette crise, c’est le Rassemblement National qui arrive en tête (15%). Malgré cette défiance à l’égard du politique, l’État est plébiscité dans son rôle de filet de sécurité, dans une logique de poursuite du « quoi qu’il en coûte », pour assurer un principe d’équité mais également accélérer la transition énergétique. 

La crise énergétique renforce le soutien aux énergies renouvelables

62% des Français considèrent que le gouvernement a été trop lent pour investir dans les énergies renouvelables, et que c’est là une des causes de l’augmentation des prix de l’énergie. Ainsi 7 Français sur 10 se déclarent en faveur de l’accélération de la transition vers les énergies renouvelables comme réponse à la hausse du coût de la vie (et jusqu’à 82% dans l’électorat d’Emmanuel Macron).

Un lien à renforcer entre pouvoir d'achat et transition écologique

Si le débat tend parfois à opposer la priorisation du pouvoir d’achat et l'action climatique, les Français sont plutôt enclins à les conjuguer : aujourd’hui, 60% des Français considèrent que retarder les actions en faveur du climat ne fera qu’augmenter les factures d’énergie à moyen et long terme. Lorsque climat et pouvoir d'achat sont mis en concurrence, les seuls groupes qui dépriorisent le climat sont les Identitaires, et dans une moindre mesure les Libéraux optimistes.

Au-delà de la question énergétique, l’aspiration à la transition écologique se confirme : 72% des Français considèrent la sobriété comme une solution souhaitable pour lutter contre le changement climatique. Juste après les électeurs de Yannick Jadot (92%), ceux d’Emmanuel Macron y sont massivement favorables (84%). Et quoique moins largement, même les électorats de Marine Le Pen (60%) et d’Eric Zemmour (54%) y sont majoritairement acquis. 

« Cette crise peut monter davantage les Français les uns contre les autres, mais elle peut aussi être l’opportunité de nous donner un cap commun, avec des objectifs précis. L'enjeu, pour la classe politique, est de rendre tangible le lien entre les efforts individuels et les réformes structurelles pour accélérer la transition énergétique largement plébiscitée », conclut Laurence de Nervaux. 

 

Etude produite avec la contribution de Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors.

Méthodologie et périmètre de l’étude : L’étude repose sur une enquête auto-administrée en ligne réalisée par l’institut YouGov auprès d’un échantillon représentatif de la population française composé de 2 193 personnes âgées de 18 et plus (France métropolitaine). L’échantillon a été constitué à l’aide de la méthode des quotas et est redressé sur la base du sexe, âge, catégorie socio-professionnelle, diplôme, région, catégorie d’agglomération et vote au premier tour de l’élection présidentielle de 2022. L’enquête a été conduite du 19 au 26 juillet 2022. Elle a été menée simultanément en Allemagne, au Royaume-Uni et en Pologne.