Une transition informationnelle pour reconstruire la confiance
A l’instar de la transition alimentaire, qui concerne tant la production que la consommation de notre alimentation, l’étude de Destin Commun dessine les contours d’une réelle transition informationnelle pour restaurer la confiance dans l’information.
Ces convictions sont aussi à l’origine du Solutions Journalism Network, que coordonne Nina Fasciaux au niveau international. Le journalisme de solutions est une approche de la pratique des médias qui se concentre sur les réponses aux problèmes sociétaux. Plus qu’une approche binaire entre problèmes et solutions, ce journalisme honore la complexité et vise à décrypter avec autant de rigueur les problèmes, et les possibles réponses à y apporter. Cette compréhension est bien plus partagée aujourd’hui qu’il y a cinq ans, notamment depuis le Covid.
“Le Covid a été une prise de conscience pour de très nombreux journalistes que l’on ne pouvait pas seulement accabler les gens avec des problèmes alors qu’ils étaient enfermés chez eux" témoigne Nina Fasciaux. "Une demande a rapidement émergé des rédactions pour couvrir les réponses apportées à la pandémie, dans toute leur complexité. Aujourd’hui, je ne passe plus mon temps à essayer de convaincre de la pertinence du journalisme de solutions, mais plutôt à accompagner les rédactions pour le mettre en oeuvre”.
La confiance, une question de perception ?
Le journalisme de solutions s’interroge également sur la transparence de l'information, les choix éditoriaux ou encore les perceptions du public.
“Pour les journalistes, explique Nina Fasciaux, la confiance est essentiellement liée à la véracité des faits. Or je pense que pour le public, la confiance est aussi une question de perception. Les faits rapportés, même s’ils sont avérés, ne correspondent pas toujours à ce qui est perçu dans le quotidien de chacun. Le Covid, la guerre en Ukraine, en sont de bons exemples : même si on ne discute pas les faits, on peut avoir l’impression que le récit médiatique nous donne une seule perception des choses. C’est là que le problème de confiance s’installe. Travailler sur la proximité avec le public peut permettre de définir ensemble ce qui pose problème”
La nécessaire transparence de la fabrique de l’information
Comme l’indique Nina Fasciaux, “le journalisme de solution travaille également beaucoup sur la nécessaire transparence de la fabrique de l’information. Il est nécessaire de reconnaître les angles pris, d’assumer que dans un reportage, tout ne peut pas être montré. Il faut faire une croix sur l’objectivité et l’exhaustivité la plus parfaite. Il y a un humain derrière chaque information. Une part de subjectivité n’enlève pas la rigueur et l'honnêteté intellectuelle. Reconnaître et expliquer les raisons des choix éditoriaux peut aider à renouer la confiance qui fait actuellement défaut.”
Sortir d’une information anxiogène
“Le problème, poursuit Nina Fasciaux, c’est le biais des journalistes qui tendent à s'arrêter souvent aux problèmes, accentuant le traitement négatif, voire anxiogène, de l’information.”
Paradoxalement, ce problème partirait d’une bonne intention : “Ce traitement négatif est lié à la volonté des journalistes de participer à l’évolution des sociétés : pour ce faire, il leur paraît indispensable d’en documenter les problèmes. Certains journalistes considèrent ainsi qu'investiguer les réponses n’est pas de leur responsabilité. Or le journaliste a une responsabilité quant à l’impact du récit qu’il diffuse. Et cet impact n’est pas anodin : une information uniquement anxiogène mène à l’apathie, à un sentiment d’impuissance, voire à un désengagement démocratique.” Ces analyses rejoignent le constat d’un risque de sécession démocratique identifié dans l'étude de Destin Commun.