A 3 mois des élections européennes, le jeu est ouvert

La nouvelle étude du think tank Destin Commun, “Elections européennes : le jeu est ouvert”, réalisée avec Verian (ex Kantar Public) auprès d’un échantillon de 2000 personnes représentatif de la population française, et dans trois autres pays européens (Allemagne, Pologne, Espagne), décrypte l’opinion des Français alors que s’ouvre la campagne pour les élections européennes. Davantage en France que chez nos voisins européens, l’Union européenne souffre d’un déficit d’image, doublé d’une large méconnaissance de son fonctionnement et de ses politiques. Mais un consensus se dessine autour de la vision d’une Europe puissante, souveraine et pionnière en matière écologique. Si le soutien à l’Ukraine s’est affaibli après deux années de guerre, il reste majoritaire parmi nos concitoyens. Autant de convictions qui sont aux antipodes de la ligne eurosceptique du Rassemblement national. Ces opinions sont en particulier partagées par les indécis en vue du scrutin, dessinant des opportunités pour les différentes familles politiques pro-européennes.

“Abstention massive, large victoire du RN, désintérêt et atonie... Le récit dominant sur les élections européennes est incomplet. Si la critique de l’Union européenne est réelle, elle révèle en creux un attachement à l’Europe empreint de pragmatisme dans un monde incertain, mais aussi des exigences ambitieuses. Le jeu est ouvert, notamment s'agissant des indécis - à 69% des femmes -, plus nombreux lors des scrutins européens que des élections nationales, et dont les attentes vis-à-vis de l’Europe ne correspondent pas à la vision du Rassemblement national.”

Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun.

Moins d’Europe n’est pas la voie majoritairement soutenue par les Français

L’enquête menée par Destin Commun met en lumière un large consensus autour d’une vision fédératrice de l’Union européenne :

  • une Europe puissante. 67% des Français soutiennent la nécessité d’une Union européenne "forte pour concurrencer d’autres acteurs mondiaux.” Cette opinion est majoritaire dans tous les électorats, à l’exception de celui de Reconquête.
  • une Europe souveraine. 8 Français sur 10 considèrent que l’Europe “doit agir fortement pour assurer sa réindustrialisation et privilégier des produits européens.” L’adhésion est massive dans tous les électorats, de LFI à Reconquête.
  • une Europe écologique. 61% des Français considèrent que “l’Union européenne devrait jouer un rôle de premier plan sur les enjeux climatiques et environnementaux, même si les Etats-Unis et la Chine n'en font pas autant.” Une idée qui l’emporte même au sein de l'électorat RN, a contrario du discours anti-écologie des dirigeants du parti.

Le leadership écologique, vecteur de réactivation de la fierté d’être européen

59% des Français affirme que voir l’Union européenne prendre un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique les rendrait plus fiers d’être européens.

L’adhésion à la sobriété comme solution souhaitable pour lutter contre le réchauffement climatique réunit un large consensus : 68% y sont favorables, et 65% dénoncent l’injonction à consommer toujours plus comme “une pression” qui ne les “rend pas heureux”. Cette opinion est aussi majoritaire au sein de l’électorat du Rassemblement national (58%), fervent défenseur de la consommation, qui apparait ici en décalage avec la remise en cause croissante d’une norme sociale perçue comme aliénante.

“Abstention massive, large victoire du RN, désintérêt et atonie... Le récit dominant sur les élections européennes est incomplet. Si la critique de l’Union européenne est réelle, elle révèle en creux un attachement à l’Europe empreint de pragmatisme dans un monde incertain, mais aussi des exigences ambitieuses. Le jeu est ouvert, notamment s'agissant des indécis - à 69% des femmes -, plus nombreux lors des scrutins européens que des élections nationales, et dont les attentes vis-à-vis de l’Europe ne correspondent pas à la vision du Rassemblement national.”

Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun.

Hausse des prix : priorité nationale

Un sujet reste ultra-prioritaire pour une majorité de nos concitoyens et sera de ce fait structurant dans la campagne pour les élections européennes : la hausse des prix. Face à une inflation dont ils ont du mal à identifier les causes1, l’Europe fait office de bouc émissaire. 69% des Français considèrent ainsi que l’UE a un impact négatif sur les prix de l’énergie, et 65% sur le coût de la vie.

On observe par ailleurs un risque de dépriorisation de l’engagement climatique au regard de la hausse des prix.

Immigration : besoin de contrôle et compassion

A l’échelle européenne, c’est la question migratoire qui est la première priorité des Français, et le sujet le plus marqué par le clivage droite-gauche, la majorité présidentielle jouant le rôle d’arbitre. Sur la préférence pour une définition des politiques migratoires à l’échelle européenne plutôt que nationale, l’alignement de Renaissance avec le PS et les écologistes ne suffit pas à emporter la majorité, face à une droite et extrême-droite foncièrement souverainistes. La demande d’un contrôle renforcé des frontières intérieures de l’UE est majoritaire mais rejeté par l’ensemble de la gauche (LFI, EELV, PS).

Interrogés sur les priorités en matière de politique migratoire, les Français citent d’abord l’enjeu de contrôle (48%) avant la réduction des flux entrants (28%) puis l’intégration des personnes migrantes en France (21%).

Dans tous les électorats, l’accueil des réfugiés ukrainiens est majoritairement porté au crédit de l’Union européenne.

Après deux ans de guerre, le soutien à l'Ukraine reste majoritaire mais son éventuelle adhésion à l’UE laisse les Français perplexes

La guerre d’invasion russe en Ukraine agit comme un révélateur et un amplificateur des inclinaisons europhiles ou eurosceptiques :

  • 53% des Français considèrent que “l’UE doit continuer de fournir un soutien économique et militaire à l’Ukraine aussi longtemps de cela est nécessaire”, contre 31% qui y sont opposés. Si l’adhésion est très franche dans les électorats EELV, PS et Renaissance, la gauche radicale (LFI) et l’extrême-droite (RN et Reconquête) se rejoignent ici par une opinion peu favorable au soutien à l’Ukraine. L’adhésion à ce soutien prolongé est en revanche majoritaire en Allemagne, en Espagne et en Pologne.
  • L’opinion est plus réservée sur une éventuelle perspective d’élargissement de l’UE à l’Ukraine dans les années à venir. 34% des Français s’y déclarent favorables, alors que l'adhésion est nettement plus élevée en Espagne (54%), en Pologne (53%) et en Allemagne (40%). L’électorat Renaissance se détache, avec 87% d’opinion favorable.

Un terreau d’euroscepticisme très français

L’analyse comparative que propose l’enquête de Destin Commun met en relief les spécificités nationales :

  • Si 41% des Français estiment que l’appartenance de la France à l’UE est une bonne chose (vs. 23% que c’est une mauvaise chose), ce chiffre s’élève à 54% en Allemagne, 61% en Espagne et 56% en Pologne.
  • La critique de l’UE porte d'abord sur son opacité et son manque d’efficacité : 74% des Français la jugent “bureaucratique”, 62% “incompréhensible”, et seuls 22% la considèrent “efficace”.
  • L’adhésion à l’idée d’une sortie de l’UE est aujourd’hui nettement minoritaire dans les quatre pays étudiés, mais elle est plus élevée en France (31%, vs. 24% en Allemagne et 20% en Espagne). Le Frexit reste un marqueur de la culture frontiste : seul l’électorat du Rassemblement National s’y déclare majoritairement favorable (56%, vs. 5% dans l’électorat de la majorité présidentielle).

“Abstention massive, large victoire du RN, désintérêt et atonie... Le récit dominant sur les élections européennes est incomplet. Si la critique de l’Union européenne est réelle, elle révèle en creux un attachement à l’Europe empreint de pragmatisme dans un monde incertain, mais aussi des exigences ambitieuses. Le jeu est ouvert, notamment s'agissant des indécis - à 69% des femmes -, plus nombreux lors des scrutins européens que des élections nationales, et dont les attentes vis-à-vis de l’Europe ne correspondent pas à la vision du Rassemblement national.”

Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun.

Pour aller plus loin

  • Méthodologie de l’enquête : enquête autoadministrée en ligne, réalisée du 31 janvier au 9 février 2024, avec Verian (ex Kantar Public), auprès d’un panel composé de 2000 personnes, représentatif en termes sociodémographiques de la population française selon la méthode des quotas. Enquête réalisée simultanément en France, en Allemagne, en Espagne et en Pologne.
  • 1. Fin juillet 2022, 65% des Français déclaraient avoir le sentiment de ne pas comprendre les raisons de la hausse des prix, contre seulement 36% des Allemands et 32% des Britanniques. Destin Commun, Hiver à haut risque, août 2022.