Mobilités et transition : comment faire bouger les Français?

Dans une enquête inédite réalisée avec l’institut Kantar Public France, Destin Commun, en partenariat avec l’agence de communication spintank, présente une analyse du rapport des Français à leurs déplacements du quotidien ou exceptionnels. Alors que la crise climatique impose de réduire les émissions de CO2 générées par les transports, comment engager pleinement les Français dans la transition des mobilités sans les antagoniser ? A travers une méthodologie fondée sur les systèmes de valeurs, l’analyse des perceptions et des imaginaires permet d’identifier les points de tension et de dessiner les multiples voies d'une transition acceptable pour chacun.

"Au-delà des batailles culturelles, notre étude révèle de réelles évolutions des aspirations des Français, mais aussi un besoin de contrôle, d’autonomie et surtout d’économies. Il faut en tenir compte pour engager chacun dans la transition.”

Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun et co-autrice de l’étude 

Du thermique à l'électrique : développer l’accessibilité pour dépasser la défiance 

La civilisation de la voiture demeure la norme :  c’est aujourd’hui, de loin, le premier mode de déplacement des Français. L’enquête montre l’attachement à la voiture autour d’un triptyque liberté - propriété - intimité. Néanmoins selon 8 Français sur 10 (79%), posséder et entretenir une voiture est un gouffre financier. Et face à l’inflation, 39% déclarent réduire leurs déplacements pour faire des économies de carburant (+3 points depuis juillet 2022).  

La voiture électrique constitue une option incontournable dans la transition des mobilités, mais les Français s’interrogent sur ses vertus écologiques, et sur sa capacité d’autonomie. Mais malgré ces réticences, 60% des Français indiquent qu’ils aimeraient avoir une voiture électrique, mais que cela coûte trop cher à l’achat. Alors que les offres françaises low-cost et le leasing social se font attendre, le levier économique est prioritaire pour accélérer la transition vers l'électrique. La réduction de la taille des véhicules est aussi une option écologique et économique, et correspond aux attentes des Français : seulement 1 sur 4 préfère, à choisir, une grosse voiture plutôt qu’une petite. 

Un point alarmant au demeurant : malgré le poids avéré des transports individuels dans les émissions de CO2 de la France1, seuls 4 Français sur 10 (43%) considèrent que l’utilisation de la voiture est un frein à la lutte contre le changement climatique.  

“Les ordres de grandeur de l’impact environnemental de la voiture doivent être rappelés, sans stigmatiser quiconque mais en montrant les bénéfices de la transition, que ce soit sur la santé ou sur le pouvoir d’achat.”

Nicolas Vanbremeersch, président de spintank. 

Une opinion majoritairement favorable aux transports en commun et au vélo 

8 Français sur 10 jugent souhaitable un avenir où la majorité des déplacements seront réalisés en transports en commun ou via des mobilités actives (vélo, marche).  

Plus d’un quart des Français (28%) déclarent déjà utiliser les transports en commun au quotidien, et 26% se disent prêts à les privilégier à la voiture. Une majorité (52%) des Français les considèrent propres et bien entretenus, et seuls 42% ne les jugent pas fiables. Et l’expérience favorise l’adhésion : ces avis positifs sont nettement supérieurs chez les usagers. 

L'étude révèle néanmoins un frein à l’adoption massive des transports en commun : 51% des enquêtés déclarent “préférer les transports individuels plutôt que collectifs car ils n'aiment pas voyager avec d'autres gens”. La promotion du covoiturage avec des personnes que l’on connaît - voisins, collègues de travail – peut permettre de dépasser cette réticence, en faisant des économies : 67% des Français considèrent que le covoiturage est le meilleur moyen de réduire les coûts de la voiture.  

Si le vélo, électrique ou traditionnel, est encore minoritaire dans les pratiques quotidiennes (11% des Français), ce sont jusqu’à 4 Français sur 10 qui considèrent le vélo électrique comme une alternative crédible à la voiture. Le principal frein au développement du vélo est la perception d’un danger : trois quart des Français (75%) le considèrent comme dangereux. Le développement des infrastructures est le levier clé de la sécurisation, et de la généralisation de la pratique du vélo : 78% des Français se disent favorables au développement de pistes cyclables sur l’ensemble du territoire. 

Le train gagne du terrain 

Sur l'avion, l’étude montre une réelle évolution des mentalités : 35% des usagers réguliers de l’avion déclarent culpabiliser à cause de son impact environnemental, et une majorité des Français (52%) se disent prêts à prendre le train plutôt que l’avion pour un même trajet.

Du côté du train, le frein à la transition est aussi économique : pour 56% des Français, le coût des billets est trop élevé en comparaison de l’avion. 

Transition des mobilités : l’action de l’Etat est attendue mais déçoit 

L’État demeure le premier acteur attendu pour développer les mobilités durables, mais son action est jugée sévèrement : 57% des Français considèrent que l’Etat n’agit actuellement pas ou pas assez en faveur d’une mobilité plus respectueuse de l’environnement.

Sur le podium des acteurs perçus comme les plus engagés, on trouve les sociétés de covoiturage, les associations et militants du mouvement climat, et la SNCF, suivis de près par les collectivités territoriales. 

Faire bouger les Français : une typologie pour des trajectoires adaptées 

L'analyse des 6 familles de valeurs identifiées dans la société française par Destin Commun permet de comprendre la complexité du rapport des Français à la mobilité, et de tracer des voies vers une transition apaisée. 

  • Les Militants désabusés, dans une vision systémique, privilégient l’action de l’Etat, mais sont eux-mêmes les plus enclins au changement, et à l’adoption de mobilités collectives. 
  • Les Stabilisateurs sont adeptes de la voiture, mais pragmatiques dans leur rapport au changement. Préoccupés des générations futures, ils sont ouverts à la rencontre de l’autre. 
  • Les Libéraux optimistes, hyper-actifs et technophiles, sont les premiers promoteurs du vélo électrique. Mais entre intention et action, leur dissonance est récurrente. 
  • Les Attentistes, les plus jeunes, ont un rapport individualiste au changement. Si leur autonomie et leur porte-monnaie sont préservés, ils peuvent évoluer. 
  • Les Laissés pour compte, défiants, veulent rester au volant de leur vie. Mais ils sont étranglés par le coût des carburants. Pour qu’ils passent à l’électrique, il doit être économique.  
  • Les Identitaires, plus âgés et moins urbains, ont un rapport défensif à la voiture, symbole de leur mode de vie. Mais ils sont aussi les premiers à marcher, et le retour à la nature les séduit.