Conflit entre Israël et le Hamas : cent jours après le début de la guerre, les Français expriment autant d’inquiétude pour les Palestiniens que pour les Israéliens

Cent jours après les attaques terroristes du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 suivies par l’offensive militaire israélienne sur Gaza, une enquête exclusive réalisée par le think tank Destin Commun décrypte l'opinion des Français sur le conflit au Proche-Orient. Trois sentiments dominent chez nos concitoyens : ils se montrent prudents face à la complexité de la situation et retiennent leur jugement quant à la neutralité de l’information, ressentent de l’inquiétude quant aux conséquences du conflit en France, et témoignent d’une empathie équivalente à l’égard des deux populations touchées par cette guerre, bien que des écarts se manifestent en fonction de l’âge et des orientations politiques.

“Bien plus qu’une France fracturée, campée sur des positions irréconciliablement opposées, cette étude révèle une France perplexe, qui craint la binarité sur un sujet qu’elle perçoit très nettement comme complexe. A rebours de l’animosité qui prévaut sur les réseaux sociaux, les Français expriment de l’empathie, sans hémiplégie : parmi les deux tiers d’entre eux qui se disent inquiets des impacts du conflit pour la population palestinienne, 8 sur 10 sont aussi inquiets pour la population israélienne.”

Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun.

Face à un sujet perçu comme complexe et sensible, le rejet de l’injonction à choisir un camp

L’enquête réalisée par Destin Commun montre que : 

  • 46% des Français considèrent que “le conflit entre Israël et le Hamas est un sujet sur lequel il est difficile de se faire une opinion” (vs. 36% en désaccord avec cette affirmation). Un point de vue encore plus élevé chez les électeurs d’Emmanuel Macron1 (55%).
  • Plus d’un tiers des Français (38%) déplorent une injonction à choisir un camp dans ce conflit : face à un sujet qu’ils perçoivent comme complexe, une partie des Français rejette la binarité.

Lors de groupes de discussion organisés par Destin Commun du 17 au 24 octobre 2023, soit deux semaines après le début du conflit, un participant déclarait ainsi : “Les personnalités sont forcées à prendre parti, et quand elles le font, elles se font tomber dessus des deux côtés. Sur Twitter c'est "Ça fait 16 jours et untel n'a pas pris la parole." C'est pas normal.”

  • Une forme d’autocensure se fait jour chez certains, mais elle reste minoritaire : plus d’un tiers des Français (35%) ressentent une difficulté à s’exprimer librement sur le conflit. C’est davantage le cas chez les personnes qui considèrent que le traitement médiatique est biaisé en faveur des Israéliens (44%).
  • Enfin, alors qu’ils sont souvent prompts à donner leur opinion sur les médias, les Français semblent au contraire suspendre leur jugement sur le traitement médiatique du conflit au Proche-Orient, trois mois après son déclenchement : si 28% jugent les informations globalement neutres et équilibrées, 41% préfèrent ne pas se prononcer sur cette question. 19% jugent les informations biaisées en faveur des Israéliens, et 12% en faveur des Palestiniens.
Capture D’Écran 2024 01 16 À 15.03.20 (1)

La première inquiétude des Français : les incidences nationales du conflit 

S'agissant des inquiétudes suscitées par les effets du conflit entre Israël et le Hamas, les Français craignent d’abord ses conséquences au sein de la société française :

  • 7 Français sur 10 (71%) sont inquiets d’une hausse des tensions entre communautés en France.
  • Ils sont autant à craindre une augmentation de l’islamisme radical en France (71% sont inquiets, dont 34% se déclarent “très inquiets” à ce sujet).
  • 6 Français sur 10 (59%), marqués par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, craignent que le conflit fasse augmenter le coût de la vie en France.
  • Alors que les tensions s’intensifient entre Israël et ses voisins, deux tiers des Français (66%) craignent aussi que le conflit ne devienne une guerre régionale ou mondiale.

Les niveaux d’inquiétude quant aux conséquences du conflit sont plus élevés chez les électeurs de l’extrême-droite, notamment s’agissant du risque de hausse des tensions entre communautés en France (79% vs. 71% en moyenne), et de la crainte d’une hausse des prix en France (70% vs. 59%).

Une empathie équivalente pour les populations palestinienne et israélienne, quoique marquée par les orientations politiques

L’empathie et l’inquiétude dont témoignent les Français pour les populations victimes du conflit est nettement majoritaire, et atteint des niveaux comparables envers les deux populations : 66% des Français se déclarent inquiets des conséquences du conflit pour la population palestinienne et 61% sont inquiets des conséquences pour la population israélienne. Plutôt qu’une concurrence entre victimes, ils expriment une empathie universelle : les personnes qui se déclarent inquiètes pour la population palestinienne sont ainsi 79% à exprimer une inquiétude pour la population israélienne. 

Cette empathie est néanmoins corrélée à des orientations politiques : si l'inquiétude pour la population palestinienne diminue de manière linéaire selon un axe gauche-droite, l'inquiétude pour la population israélienne est en revanche homogène sur tout l'échiquier politique, mais plus basse dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon, tout en restant majoritaire (58%). Seuls les électeurs d’Eric Zemmour ne sont pas majoritairement inquiets pour la population palestinienne (seuls 45% d’entre eux le sont), à l’inverse de ceux de Marine Le Pen chez lesquels cette inquiétude est majoritaire (59%).

Capture D’Écran 2024 01 16 À 14.58.29

Antisémitisme, islamophobie : des préoccupations majoritaires et non concurrentes

En écho à l’inquiétude des Français d’une importation des conséquences du conflit dans l’Hexagone, les préoccupations liées à l’antisémitisme et à l’islamophobie sont largement partagées par nos concitoyens : 

  • 72% des Français se déclarent préoccupés par l’antisémitisme.
  • 61% des Français se déclarent préoccupés par l’islamophobie, bien que cet enjeu soit nettement moins partagé par les électeurs d’extrême-droite (51% des électeurs de M. Le Pen, 37% des électeurs d’E. Zemmour).

Là encore, les inquiétudes se conjuguent plus qu’elles ne s’excluent : parmi les 6 Français sur 10 qui se déclarent préoccupés par l’islamophobie, 88% se déclarent dans le même temps préoccupés par l’antisémitisme en France.

Des écarts générationnels dans le rapport au conflit au Proche-Orient

L’enquête de Destin Commun révèle néanmoins des différences liées à l’âge dans le rapport au conflit entre Israël et le Hamas, et les enjeux qui y sont associés : 

  • Les Français les plus âgés se déclarent généralement plus inquiets que les plus jeunes quant aux conséquences du conflit et à l’éventualité de son importation dans la société française.
  • Les moins de 34 ans expriment davantage d’inquiétude pour la population palestinienne que pour la population israélienne. Les 18-24 ans sont ainsi 46% à se déclarer inquiets des conséquences sur la population israélienne et 56% inquiets pour la population palestinienne.
  • A l’inverse, les plus de 65 ans n’expriment pas de différence selon les populations, mais une inquiétude égale et la plus élevée (70%).

On retrouve un écart générationnel dans le rapport à l’antisémitisme et à l’islamophobie : 

  • L’inquiétude liée à l’antisémitisme en France évolue de 58% chez les 18-24 ans à 81% chez les plus de 65 ans. 
  • Chez les plus jeunes (18-24 ans), les préoccupations liées à l'islamophobie et à l'antisémitisme sont quasiment au même niveau (58% pour l’antisémitisme et 55% pour l’islamophobie).
  • Chez les plus âgés (plus de 65 ans), si l'inquiétude liée à l’islamophobie est plus élevée que pour les jeunes générations (65%), l’écart par rapport à la crainte de l’antisémitisme (81%) est notable.
Capture D’Écran 2024 01 16 À 14.59.07

“Bien qu'un net écart générationnel se manifeste ici dans l’attitude vis-à-vis du conflit au Proche-Orient, l’inquiétude à l’égard de l’antisémitisme et de l’islamophobie réunissent toujours une large majorité des Français, et sont cumulatives plutôt que concurrentes.”

Tristan Guerra, responsable de la recherche de Destin Commun et co-auteur de l’étude.

Pour en savoir plus : 
  • Méthologie : l’enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de 2 120 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatif de la population française selon la méthode des quotas. Elle a été réalisée en ligne, entre le 8 et le 11 décembre 2023, en partenariat avec Dynata.

  • Les analyses électorales correspondent au vote au premier tour de l’élection présidentielle de 2022.