Ukraine : l’opinion transatlantique inquiète mais unie contre les concessions à la Russie

Destin Commun et l'organisation internationale More in Common, dont le think tank français fait partie, publient une enquête exclusive pour saisir l’impact des récentes négociations liées à la guerre en Ukraine sur les opinions européennes et américaine. L’étude, réalisée simultanément dans 5 pays (Allemagne, France, Pologne, Royaume-Uni et Etats-Unis) auprès de 7 782 répondants, relève que les conditions du “plan de paix pour l’Ukraine” sont largement perçues comme inacceptables, de part et d’autre de l’Atlantique, notamment l'annexion par la Russie des territoires ukrainiens occupés et la réduction des capacités militaires de l’Ukraine. 

« Après bientôt quatre ans de guerre et malgré un contexte géopolitique et national tourmenté, les Français maintiennent leur soutien à l’Ukraine, et sont lucides sur la menace que constitue la Russie pour notre pays et pour l’Europe. Ce soutien est aussi important au Royaume-Uni, en Pologne mais également dans la société américaine, bien plus favorable à l’Ukraine que ne l’est son Président. »

Laurence de Nervaux, directrice générale de Destin Commun.  

Un soutien à l’Ukraine qui demeure majoritaire, mais polarisé politiquement 

Des deux côtés de l’Atlantique, le soutien à l’Ukraine reste majoritaire, même si des disparités importantes apparaissent. L’Allemagne est le pays où la sympathie envers l’Ukraine est la plus faible, à peine au-dessus de 50 %, tandis qu’elle dépasse 70 % au Royaume-Uni.  

En France, c’est au sein des électorats du Rassemblement national, et dans une moindre mesure de La France insoumise, que l’on observe les positions les plus favorables à la Russie. Comparativement, les sympathisants du RN se montrent moins favorables à l’Ukraine que les électeurs de Reform au Royaume-Uni ou que les Républicains aux États-Unis, mais bien plus que ceux de l’AfD en Allemagne.  

Le “plan de paix pour l’Ukraine” largement rejeté 

Le rôle des États-Unis dans la recherche de la paix en Ukraine est jugé sévèrement. Les citoyens européens estiment que Donald Trump a davantage nui à l’Ukraine qu'il ne l’a aidée à se défendre. En France, seuls 22 % jugent qu’il l’a aidée contre 42 % qui estiment qu’il a freiné la capacité de l’Ukraine à se défendre.  

Sur le plan de paix en cours de négociation, de nettes majorités en France, au Royaume-Uni et en Pologne estiment que les principales propositions ne sont pas acceptables, notamment l'annexion par la Russie des territoires occupés, la réduction des forces armées ukrainiennes et la possibilité pour l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN. Le pessimisme domine également : six Français sur dix (62%) doutent que les négociations actuelles puissent réellement aboutir. 

Les Français tiraillés entre la conscience de la menace russe et la réticence à consentir de nouveaux efforts économiques 

Près de 7 Français sur 10 (69%) considèrent qu’il est important pour la France que l’Ukraine défende sa souveraineté. Les trois quarts de nos concitoyens (76%) sont inquiets de la perspective d’une guerre en Europe dans les prochaines années, et 60% jugent probable l’invasion d’autres pays européens par la Russie en cas de victoire en Ukraine. Mais tandis que 70 % des Français estiment que la Russie ne respecterait pas un éventuel cessez-le-feu en Ukraine, près d’un Français sur deux (49 %) souhaite néanmoins mettre fin au conflit quelles que soient les conditions, plutôt que de poursuivre la guerre pour obtenir une paix jugée juste et durable (51 %). 

La situation économique nationale et les préoccupations liées au coût de la vie sont un frein à la volonté des Français de soutenir davantage l’Ukraine : parmi les 49% de Français qui souhaitent mettre un terme à la guerre quelles que soient les conditions, ceux qui sont en situation de précarité économique sont plus nombreux que la moyenne. 

Les Français sont en revanche de plus en plus ouverts à l’idée d’une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (50% en décembre 2025 vs. 34% début 2024), et très favorable à la saisie des avoirs russes gelés dans l’Union européenne (85%). 

La société française ambivalente sur les enjeux de défense  

Tandis que les Européens et les Américains réaffirment majoritairement l’importance de l’OTAN pour la défense de l’Europe, ils appellent aussi de leurs vœux une plus grande autonomie stratégique européenne. 67 % des Américains estiment que l’Europe doit développer ses propres capacités militaires, et 72 % jugent qu’elle devrait, à terme, être pleinement autosuffisante en matière de défense. 

Mais bien que huit Français sur dix souhaitent que l’Europe devienne entièrement autonome pour sa défense, seuls 50 % jugent prioritaire d’augmenter les investissements dans ce domaine en France. L’électorat de LFI est le plus rétif à l’augmentation des dépenses de défense.  

Tandis que 6 Français sur 10 (60%) considèrent que la France est une cible prioritaire de la désinformation russe et que trois Français sur quatre redoutent une extension du conflit à d’autres pays européens, les Français ne placent pas pour autant la Russie comme une menace sécuritaire prioritaire, en comparaison de la criminalité, du terrorisme islamiste ou du narcotrafic. 

Nos concitoyens, largement favorables (66%) au service militaire volontaire annoncé par le Président de la République, sont en revanche mitigés quant à l’envoi de soldats Français en Ukraine pour assurer le maintien de la paix (43% se déclarant favorables et 45% défavorables). 

Les Français se montrent majoritairement lucides quant à la menace russe, mais cette inquiétude passe aujourd’hui derrière d’autres priorités nationales, qu’il s’agisse des préoccupations sécuritaires ou économiques. Le récent discours du chef d’état-major des armées a réactivé les clivages dans le rapport des Français à la défense, mais a aussi contribué à la prise de conscience chez une grande partie de nos concitoyens de la nécessité d’une vision partagée sur ces enjeux, au-delà des lignes partisanes.”

Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun