Génération scroll : réseaux sociaux et désinformation, les influenceurs en première ligne

Destin Commun publie aujourd’hui une étude inédite, « Génération scroll : réseaux sociaux et désinformation, les influenceurs en première ligne ». Réalisée à partir de deux enquêtes quantitatives, auprès de 3 025 Français et 2 005 parents d’enfants de moins de 18 ans, ainsi que de groupes de discussion, elle décrypte la transformation des usages des réseaux sociaux par les jeunes, et les impacts majeurs sur leur santé mentale mais aussi sur la santé démocratique de notre société. Elle met en lumière le rôle croissant des influenceurs et créateurs de contenus dans l’accès et la diffusion de l’information, et leur responsabilité face à la propagation de la désinformation. 

Réseaux sociaux : la bascule générationnelle

92 % des Français utilisent un réseau social chaque semaine. Si l’usage des réseaux sociaux est presque universel, il n’est pas uniforme : Facebook s’impose aujourd’hui comme le réseau des Français les plus âgés, tandis que chez les moins de 35 ans, Youtube et Instagram dépassent les 70% d’utilisateurs réguliers. TikTok est la plateforme des moins de 24 ans : 73% d’entre eux l’utilisent, et 50% des parents d’enfants mineurs déclarent que leurs enfants le consultent.

L’étude révèle une bascule générationnelle dans le rapport à l’information : pour les Zoomers et les Millenials, les réseaux sociaux sont le premier canal d’information, devant la télévision.

Entre santé mentale et risque démocratique : de l’addiction au brain rot

Les participants des groupes de discussion, notamment les jeunes, décrivent spontanément un rapport addictif aux plateformes : craving d’instantanéité, évitement du quotidien, perte de contrôle, sentiment de manque et sevrage difficile. Ils sont tout aussi spontanément conscients de leurs effets : fatigue, perte d’attention, exposition non contrôlée à des contenus violents.

« J’étais à la salle de sport, j’avais pas mon tél et j’ai couru, c’était les minutes les plus longues de ma vie », raconte Marine*, 19 ans.

« Après avoir scrollé pendant une heure, on se dit allez on arrête, et en fait on est encore plus fatigués, on n’a pas de repos » explique Naomie*, 19 ans.

“En plus des effets connus sur la santé mentale, notre étude révèle un autre impact préoccupant des réseaux sociaux : l’exposition à un volume massif de contenus insignifiants ou vides de sens produit un effet anesthésiant qui affaiblit la capacité de discernement et la propension à réagir à des contenus faux, violents ou dégradants. Ce phénomène de “brain rot” ou pourrissement du cerveau, selon l'expression des jeunes eux-mêmes, fragilise nos défenses immunitaires démocratiques.”

Clémentine Guilbaud Demaison, responsable de projets et autrice de l’étude.

Désinformation : les influenceurs en première ligne


Dans un univers informationnel marqué par l’instantanéité et le sensationnalisme, 75 % des Français jugent difficile de distinguer faits objectifs et opinions individuelles sur les réseaux sociaux.

« On ne sait plus vraiment qu’est-ce que c’est, une info de qualité, dans le monde actuel » déplore Nacim*, 19 ans.

« Les Français expriment un mélange de confusion et de défiance vis-à-vis de l’information, qui va parfois jusqu’à un scepticisme généralisé, terreau propice à la propagation de la désinformation. » 

Clémentine Guilbaud Demaison, responsable de projets et autrice de l’étude.

Si 78 % des Français observent de fausses informations sur les réseaux sociaux, le réflexe le plus partagé par les Français est de les ignorer plutôt que de les vérifier. Mais comme le souligne Marion*, 23 ans : « Une fois qu’on a lu un gros titre, qu’on veuille le croire ou pas, il est dans notre tête. » 

43 % des Français suivent au moins un influenceur sur les réseaux sociaux, et les moins de 24 ans suivent davantage des comptes d’influenceurs que ceux de leurs proches. La bascule générationnelle se confirme au sujet des créateurs de contenu : si seulement 25% des Français en ont une bonne image, cette opinion positive s’élève à 60% chez les 18-24 ans. 

Parmi les Français qui suivent des créateurs de contenus, 62% indiquent qu’ils traitent parfois de sujets d’actualité. Comparés aux journalistes, les influenceurs et créateurs de contenus sont jugés plus créatifs et drôles, mais beaucoup plus susceptibles de propager des fausses informations (65%) que les journalistes (10%).  

Le risque de manipulation par des influenceurs est aussi pointé par les Français : 74% se déclarent inquiets que leurs proches se fasse manipuler par des personnes ayant une forte visibilité sur les réseaux sociaux. Ce risque est accru par le développement de relations parasociales, dans un contexte de solitude croissante : plus de 4 jeunes sur 10 (de 18 à 24 ans) déclarent avoir l’impression d’un lien personnel avec des créateurs de contenus qu’ils n’ont jamais rencontrés, et c’est 53% chez ceux de 18 à 42 ans qui se sentent très seuls.   

Dans ce contexte, les Français sont unanimes : 91% considèrent que les influenceurs et créateurs de contenus ont une responsabilité vis-à-vis de leur communauté et doivent vérifier la véracité des contenus qu’ils publient. Ils reconnaissent néanmoins les difficultés auxquels sont confrontés ces nouveaux acteurs de l’information en ligne : 76% des Français dénoncent les pressions que subissent les créateurs de contenus pour prendre position sur des sujets polémiques ou sensibles. 

« Les créateurs de contenus, qui de fait parviennent à susciter l’intérêt des jeunes, jouent un rôle nouveau dans la diffusion d’informations. Comme beaucoup de Français, ils peinent à distinguer le vrai du faux. Les appeler à plus de responsabilité suppose un accompagnement : renforcer les échanges entre influenceurs et journalistes est aujourd’hui un enjeu pour renouveler et assainir le rapport des jeunes à l’information. »

Clémentine Guilbaud Demaison, responsable de projets et autrice de l’étude.

Régulation et modération des réseaux sociaux : un large consensus dans l’opinion

A rebours des évolution récentes des politiques de certaines plateformes telles que Meta ou X, 70% des Français considèrent qu’il y a trop de contenus problématiques et pas assez de modération sur les réseaux sociaux, contre seulement 17% pour qui « il a trop de censure et on ne peut pas dire ce que l’on veut » sur les réseaux sociaux. 

Les Français soutiennent notamment un contrôle accru en direction des plus jeunes : 72% des parents d’enfants de moins de 18 ans se déclarent favorables à une loi interdisant aux enfants de moins de 15 ans d’ouvrir un compte sur les réseaux sociaux sans l’accord d’un parent. Ils sont par ailleurs 46% à se dire favorables à une loi interdisant la vente de smartphones aux moins de 15 ans. 

                                                         

Méthodologie : 

  • Une double enquête quantitative, réalisée par Destin Commun :
    • Un sondage sur le rapport aux réseaux sociaux et aux influenceurs, auprès de 3025 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas. Enquête auto-administrée en ligne, du 21 décembre 2024 au 2 janvier 2025. 
    • Un sondage auprès de 2005 parents d’au moins un enfant âgé de moins de 18 ans. Echantillon représentatif de cette population. Enquête auto-administrée en ligne, du 14 au 24 avril 2025.
  • Deux groupes de discussion, réalisés en février 2025 par Destin Commun, auprès des profils psycho-sociaux particulièrement exposés à un risque de désinformation sur les réseaux sociaux, construit selon la méthodologie des systèmes de valeurs de Destin Commun : un groupe de jeunes Attentistes de 15 à 20 ans vivant en Ile-de-France, un groupe de Laissés-pour-compte de 23 à 41 ans, à Caen.